On aime un film differemment selon le cinema dans lequel on reste

Notre salle de cine, avec ses pleurs et ses rires, ses instants de communion et de malaise, est le lieu de l’integralite des possibles.

«En 2008, j’ai accompagne faire mes bambins dans un multiplexe picard Afin de voir Bienvenue chez des Ch’tis. Notre salle est remplie. Les gens ont d’emblee ri de bon c?ur. A priori je n’etais pas le public cible, ainsi, pourtant, j’ai passe un moment dont je me souviens encore aujourd’hui.» A autre normal, Alain prefere David Cronenberg et Eric Rohmer. Mais votre jour-la, Dany Boon l’a seduit. Dany Boon ou le public de Dany Boon? «Je ne sais pas vraiment. Notre communion est si forte dans la salle, c’etait comme une vague de bonheur. J’me suis juste laisse emporter. J’aurais vraisemblablement vecu les choses de facon tres differente dans une petite salle a moitie vide.»

Alain n’a pas ose revoir le mega succes du realisateur des Hauts-de-France: «Seul dans mon salon, ou aussi en famille, ca n’aurait gui?re eu la meme saveur. C’est un tantinet comme regarder a le pc la captation d’un concert auquel on a assiste: d’la scene a l’ecran, ils font tellement de magie et d’energie qui se perd.»

«Une fois installes devant 1 film avec d’autres, nous faisons partie de la constellation collective.»

Pour un seul et meme film, les experiences cinematographiques sont Plusieurs. Ca tient d’abord a toutes les conditions de projection, une meme ?uvre ne pouvant nullement s’apprecier d’la meme facon si elle est presentee en Imax ou visionnee concernant son smartphone au metro. Recemment, Netflix a annonce etre occupe i  tester une fonction «visionnage accelere» permettant de analyser 1 film de 2 heures en 1 heure 20. Mes modes de consommation evoluent et se multiplient. Mais le deploiement de nouvelles technologies n’est nullement le seul facteur pouvant influer dans la facon d’apprecier 1 film.

C’est d’ailleurs la these d’un essai imposant, publie en 2017: dans The Audience Effect – On the Collective Cinema Experience, l’universitaire allemand Julian Hanich observe la facon dont la salle de cinema joue sur notre experience de spectateur ou de spectatrice. «Au cinema, on voit habituellement 1 film avec 2, 20, 200 ou 2.000 autres personnes. Un coup installes devant un film avec d’autres, nous faisons part d’une constellation collective qui influe sur notre experience de spectateur, qu’elle soit positive ou negative», ecrit Hanich dans l’introduction de le ouvrage.

La salle de cinema, c’est un public soude riant de bon c?ur devant une comedie qui fera mouche. C’est aussi la toux si?che tout d’un voisin de siege i  l’instant de la replique-cle, une odeur de pop corn pendant Le Parfum, les rayonnements des smartphones des gens en gali?re eleves. On entre au cinema avec l’envie de devenir une eponge, d’absorber tout ce qu’un film va nous donner. Il est souvent bien ardu de ne pas s’impregner egalement de ce qui se trame autour de nous.

Haneke et moi

Ma petite vie de cinephile a demarre on voit pres d’un quart de siecle. Je ne sais pas si c’est un hasard, mais les deux seances les plus etrangement marquantes ma life ont concerne des films de Michael Haneke. En septembre 2001, au cinema Notre Carillon de Saint-Quentin, je decouvrais J’ai Pianiste, glacante adaptation tout d’un roman d’Elfriede Jelinek. Deux incidents se seront services pendant la seance: une femme s’est evanouie, puis une autre a subi cela semblait etre une crise de tetanie. Toutes 2 ont du etre evacuees, lumiere allumee, tandis que le film continuait sa life concernant l’ecran.

Jamais le malaise n’aura ete aussi eleve que ce soir-la, au sein tout d’un public dont des membres semblaient tomber comme des mouches, ployant sous l’implacable tension assenee via Haneke. Aujourd’hui i  nouveau, le souvenir de cette seance me procure des frissons.

En octobre 2005, a l’UGC Cine Cite de Lille, c’est cette fois une seance de Cache qui possi?de marque mon esprit. Dans cette salle au extri?mement denivele, un couple de jeunes gens installe dans les premiers rangs a fini avec ceder a l’ennui ou au desir, pour commencer a forniquer. Terrible sentiment de gene. Il aurait vraisemblablement fallu intervenir, votre que personne n’a fait.

Si l’image est aussi saisissante, c’est parce que la relation sexuelle qui se jouait en bas de la salle contrastait totalement avec cela se jouait a l’ecran. Cache est si angoissant, depourvu de respiration, que c’est vraisemblablement la derniere ?uvre que je choisirais si on m’obligeait a copuler devant votre film. Impossible d’oublier la scene dans laquelle l’un des personnages, en plan fixe, entreprend de s’egorger. Non juste le couple avait assez en gali?re selectionne son film, mais il avait aussi tres mal choisi son moment, puisqu’il etait en train de s’affairer au moment de une telle scene qui fit pousser a la salle 1 cri d’effroi general.

A quoi ca tient, l’art et sa perception? J’ai Pianiste a obtenu le Grand tarifs a Cannes en 2001, Cache le Prix de la mise en scene en 2005, l’ensemble de 2 ont ete largement salues via la critique. pourtant, je n’y associe que des dames qu’on evacue et des jeunes qui s’accouplent devant un type qui s’egorge.